Ne touche à rien
Entre
Et ne touche à rien
Les murs portent des fenêtres
Les fenêtres des oiseaux
Le chat est à sa queue
Le chien tourne sur lui-même
Ne touche à rien
Passe ton chemin
Le monde est tel quel
Tu le trouveras changé
À quelques détails près
L’insignifiant est le seul luxe qui te reste
Ne touche à rien
Pose sur les épaules
Les fins de journées mal vécues
Quand tout va de travers
De la pluie aux fougères
Veille sur la mouche avide de lumière
Qui tambourine à la vitre
Veille sur les herbes rares
Qui servaient autrefois à soigner
Veille sur ton bout de terre
Ton lopin de lune
Sur une terre amère
Ne cherche pas plus loin
Le salut est un chemin
Entre
Et ne touche à rien
Dévisage ce que tu crois être sans visage
Plaide pour les obscurs
Veille sur eux
Comme tu veillerais sur tes propres enfants
Et si les forces te manquent
Ouvre les fenêtres
Fais entrer le vent avec les abeilles
Laisse ta maison devenir ruche
Fais-en une cabane
Brinquebale-toi là où personne ne va plus
Ta vie est à l’endroit
Mais d’autres s’y perdent
Tu as des amis
Mais ils n’osent pas entrer
Ils restent dehors
À causer à bâtons rompus de choses qui ne t’intéressent plus vraiment
- mais tu n’oses pas le leur dire –
Ne t’installe plus
Tu n’auras plus le temps
Tu n’as pas de guerre à fuir
De maladie à craindre
D’enfants à perdre
Mais ne reste pas là
Pieds nus et bras ballants
Sur un pas de porte
Humant l’air vicié des fourmilières
Demande à parler à l’ogre des fables
Aux fées aux sorcières
Demande leur des comptes
Si tu brises la glace
Ils seront loquaces
Abrite-toi sous l’eau d’une source
Si tu n’y prenais garde
Tu pourrais être chat ou chien
Abeille ou mouche
Déshabillé de ta petite humanité de tous les jours
Rendu à dame nature
Entre
Et ne touche à rien
Le monde est tel quel
Tu te trouveras changé
Et peut-être même que le miroir n’y verra que du feu
