
Dans une autre vie
J’étais princesse de chine
Pour un baiser, jetée
Du haut d’un minaret
Mais grâce aux ailes de soie
Sur ma poitrine
Au-dessus de l’abîme m’élevai
Au ciel je fis
Un bond si haut
Qu’une étoile y perça
À Timour le boîteux
Qui m’avait condamnée
Je dis : « écoute et ton cœur saura »
Mais près de lui me coucha
À mon oreille chuchota
Ce qu’enfant sa mère lui chantait
« Vois comme l’enfant a vu l’oiseau
Avant que l’oiseau ne voie le chat
Qui ne vit pas l’enfant
Qui ne voit pas l’oiseau mort »
Si le passé a un avenir
Il faut que l’aiguille passe
Par le chas du présent
Sans voir l’oiseau mort
Ainsi va la vie, ma belle
Demain tu mourras
Il ne fallait pas
Tu ne devais pas
Mais devant le miracle
Timour s’inclina
Et la mosquée bleue
Qu’il fit bâtir sur l’amou-daria
Garde dans ses faïences
Le souvenir de cet envol
« L’oiseau bondit au ciel
Ainsi que le chat
Pelage palimpseste
Où se lisent, mouvantes, les lignes de désirs enfouis
D’armées défaites, de deuils précoces
Et sur ce bûcher de noces
Dort l’enfant-roi
Repose la femme aimée
Agonise le tyran »
© Denis Petit-Benopoulos