
Tôt le matin, avant le jour
D’un pays lointain de retour
Mon amour,
Tout mon amour s’est assis devant un capuccino, aéroport de Berlin
Et il a commencé à lire des poèmes de richard brautigan
Vous connaissez richard brautigan ?
C’est un poète d’amour et de détresse
Il faisait le malin, brautigan,
Il tournait en rond dans un grand bol d’âme
Au Japon, il en a vu le fond
Et s’est volatilisé comme ces grands oiseaux migrateurs qui traversent les montagnes
Mais sans passer par le ciel.
Encore aujourd’hui, entre les annonces
Je peux l’entendre murmurer:
tu est mon ange, tu es ma visiteuse
tu es mon souffle et mon évidence,
C’est comme une chanson, me suis-je dit (en y repensant)
Une chanson d’espérance pour les morveux de son espèce.
Je le vois encore dans l’entrée, dégingandé, maladroit
Lever ses yeux pâles vers elle qui ne le voit pas
Le grand oiseau migrateur dressé sur des chausse-trappes
Il lui touche le bras, lui tend son dernier joint
Lorgne la bouche qui transpire les baisers
Elle ne dit rien, elle sourit.
Je ne saurais dire de quelle sorte de sourire
Bienveillant, mondain ou bien taquin
Sourire de joconde mais blonde
Soupesant le pour et le contre d’une rencontre qui ne se fera pas.
Elle se déshabille mais jamais ne se dénude - de tous les apparats.
Tôt le matin, avant le jour
Elle bardotte, s’en va par la porte-tambour d’un western spaghetti
- jamais de ketchup dans les pâtes -
Avec un peu de parfum, elle dégrafe sa robe de mariée
Elle n’est pas faite pour cela, chiffons, nappes et guéridons.
Elle n’est pas faite pour cela, rideaux qui flairent bon la naphtaline et les boutons de nacre.
En passant, elle lui touche le bras, elle le traverse,
Il murmure entre ses dents, juste pour voir ce que ça lui fait :
mon amour, tout mon amour
s’est assis, aéroport de Berlin
sur une banquette à trous, écorce de nuit,
et tout juste avant l’invention du feu
il allume la dernière cigarette
Tôt le matin
D’un pays lointain de retour
D’escale à Berlin – pour une heure ou deux
Il attend le prochain vol pour des yeux se faire une idée
De l’endroit où pioncent les héroïnes les geishas
Les beautés d’hôpital
Et pour de tout là-haut tutoyer l’ange et lâcher prise.
Les nuages sont des autobus
Les buses des contrebasses
Et le ciel tout entier
La mer à marée basse
Mon amour
Tout mon amour
N’y suffira pas,
Me suis-je dit (en y repensant).